Élections - Droits humains des demandeur·euses d’asile, des réfugi·es et des migrant·es

La plupart des réfugié·es et des migrant·es qui cherchent à atteindre l’UE ne disposent pas de voies sûres et légales. En 2021-2022, moins de personnes ont pu atteindre la Belgique et l’UE par le biais de la réinstallation que les années précédentes, ce qui a poussé nombre d’entre elles à entreprendre des voyages de plus en plus dangereux et mortels en Méditerranée.
En Belgique, malgré la crise de l’accueil et ses conséquences, un plus grand nombre de demandes d’asile ont été enregistrées en 2022 que l’année précédente. Les mauvaises conditions d’accueil n’ont pas d’effet dissuasif. La Belgique a jusqu’ici ignoré les plus de 7000 condamnations prononcées par les tribunaux belges et les mesures provisoires prises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Ces dernières années, Amnesty International a recensé de nombreuses et diverses violations des droits des personnes qui fuient leur pays, notamment celles relatives à l’accès au droit d’asile et à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, tant par la Belgique que par d’autres États membres de l’Union européenne (UE).

La plupart des réfugié·es et des migrant·es qui cherchent à atteindre l’UE ne disposent pas de voies sûres et légales. En 2021-2022, moins de personnes ont pu atteindre la Belgique et l’UE par le biais de la réinstallation que les années précédentes, ce qui a poussé nombre d’entre elles à entreprendre des voyages de plus en plus dangereux et mortels en Méditerranée. Le sauvetage en mer est limité par une législation qui viole le droit international et les actions menées par les organisations et les particuliers en solidarité avec les personnes en mouvement sont entravées, voire criminalisées [1] .

Le refoulement violent est devenu une politique systématique, tant par mer que par terre. L’accord UE-Turquie et l’accord qui sous-traite les patrouilles en Méditerranée centrale aux garde-côtes libyens ont entraîné davantage de violations des droits humains. Amnesty International a observé à plusieurs reprises des expulsions illégales aux frontières européennes, souvent en recourant à la détention arbitraire et à l’usage illégal de la force[2].

Fin 2021, des négociations ont débuté au sein du Conseil de l’Union européenne sur un projet de règlement relatif à l’ « instrumentalisation » des migrant·es et des demandeur·euses d’asile[3].. Ce texte, qui permettrait aux États membres de déroger à leurs obligations en vertu du droit de l’UE, a un impact disproportionné sur les droits des personnes en mouvement et menace de compromettre l’application uniforme du droit d’asile dans l’UE [4]. Jusqu’à présent, la Belgique s’est montrée réticente à soutenir ce règlement, ce qui est un signe encourageant.

En Belgique, malgré la crise de l’accueil et ses conséquences, un plus grand nombre de demandes d’asile ont été enregistrées en 2022 que l’année précédente. Les mauvaises conditions d’accueil n’ont pas d’effet dissuasif et, pendant ce temps, le nombre de violations des droits humains continue d’augmenter. La Belgique a jusqu’ici ignoré les plus de 7000 condamnations prononcées par les tribunaux belges et les mesures provisoires prises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

La Belgique a appliqué la directive européenne permettant d’accorder une protection temporaire aux personnes venant d’Ukraine et fuyant la guerre. En revanche, elle a refusé d’accorder une protection aux Afghan·es. En effet, la Belgique a pris un grand nombre de décisions négatives concernant la protection subsidiaire des personnes qui ne peuvent pas retourner dans leur pays et qui se retrouvent donc dans l’illégalité forcée.

La grève de la faim menée par plus de 400 personnes en situation irrégulière durant l’été 2021 a attiré une nouvelle fois l’attention sur la situation désastreuse des personnes en séjour irrégulier et sur les violations des droits humains dont elles sont victimes.

RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONS

La Belgique doit placer les droits humains des personnes qui fuient les persécutions et des migrant·es au cœur de la politique d’asile et de migration, notamment en :

  • permettant la migration par des voies d’entrée sûres et légales, y compris en augmentant de façon structurelle le nombre de réinstallations en Belgique ;
  • déployant, sur base de règles transparentes, des visas humanitaires en tant qu’outil permettant d’assurer une protection rapide et sans heurts dans les situations de crise ;
  • s’engageant à respecter rigoureusement le principe de non-refoulement et à s’opposer au refoulement et aux expulsions illégales par les partenaires de l’UE ;
  • garantissant le droit à la protection internationale pour toute personne dans le besoin qui se trouve sur le territoire, y compris les personnes originaires d’Afghanistan ;
  • respectant le droit à l’accueil lié au droit d’asile et en prenant les mesures nécessaires pour résoudre la crise de l’accueil à la fois à court terme et de manière structurelle ;
  • protégeant les droits humains des personnes en séjour irrégulier ;
  • appliquant la détention liée à l’immigration uniquement en cas de stricte nécessité et pour la durée la plus courte possible.

En ce qui concerne ses propres politiques et celles de l’UE, Amnesty International appelle la Belgique à faire preuve de la plus grande vigilance à l’égard de toute nouvelle externalisation des politiques de l’UE et à s’opposer aux accords répréhensibles comme l’accord entre l’UE et la Turquie.

La Belgique doit résister à la tendance à criminaliser la solidarité avec les personnes migrantes.

Au sein de l’UE, la Belgique doit s’efforcer de partager les responsabilités en tenant compte des liens familiaux et culturels.

L’agence Frontex doit être tenue responsable du respect des droits humains des personnes aux frontières extérieures de l’UE. Les responsables de violations des droits humains doivent être poursuivi·es et les victimes doivent bénéficier d’une protection. Les opérations rapides de sauvetage en mer pour un débarquement prévisible dans un lieu sûr sont nécessaires.

VOIES D’ENTRÉE SÛRES ET LÉGALES

En Belgique, la réinstallation et les visas humanitaires, ainsi que le regroupement familial[5], sont pratiquement les seules voies d’entrée sûres et légales pour les personnes en fuite.

Réinstallation

Depuis le lancement du programme de réinstallation en Belgique en 2013, le gouvernement belge n’a pas atteint le quota annuel préétabli de réfugié·es réinstallé·es. En 2022, la Belgique a enregistré les chiffres de réinstallation les plus bas depuis des années.

Amnesty International se félicite de l’existence de programmes de Community Sponsorship, qui constituent une voie potentiellement novatrice vers la protection, mais ils doivent rester complémentaires d’un cadre gouvernemental de réinstallation et celui-ci doit être doté d’un financement pérenne.

Amnesty International appelle donc la Belgique à augmenter structurellement le nombre de réinstallations en Belgique, notamment en :

  • utilisant pleinement l’expertise existante et le soutien financier et opérationnel, notamment de la Commission européenne, de l’Agence européenne pour l’asile, du HCR, de l’OIM et des acteurs de la société civile ;
  • investissant dans des capacités d’accueil et d’intégration pour qu’elles soient suffisantes ;
  • travaillant en étroite collaboration avec la société civile et tous les acteurs concernés afin de renforcer le rôle des communautés locales dans le soutien et l’intégration des réfugié·es ;
  • veillant à ce que des ressources suffisantes soient mises à la disposition des ONG et des acteurs de la société civile prêts à contribuer à l’accueil des réfugié·es.

Visas humanitaires

Les visas humanitaires peuvent être un outil particulièrement utile pour éviter aux personnes en quête de protection d’avoir à entreprendre un voyage long et dangereux en empruntant des itinéraires irréguliers, parfois avec l’aide de passeurs. Les visas humanitaires permettent également (du moins en théorie) de réagir rapidement et sans heurts aux situations d’urgence.

Dans le même temps, plusieurs associations de la société civile dénoncent le manque de transparence des politiques menées en matière de visas humanitaires et sur des critères utilisés pour les octroyer[6]. Amnesty International note également qu’il existe parfois des barrières administratives qui rendent difficile, voire impossible, l’introduction de demandes de visas humanitaires par les personnes en quête de protection internationale[7].

Amnesty International demande à la Belgique :

  • d’utiliser les visas humanitaires comme un outil permettant de répondre de manière souple, rapide et efficace aux situations de crise, y compris pour la protection des défenseur·es des droits humains ;
  • d’élaborer des lignes directrices claires pour l’octroi de visas humanitaires et les communiquer de manière transparente ;
  • de supprimer les obstacles administratifs aux demandes de visas humanitaires dans toute la mesure du possible, en soutenant et en facilitant, le cas échéant, les procédures pour solliciter ces visas.

PROTECTION INTERNATIONALE ET ACCUEIL

Protection internationale

En vertu du droit d’asile, toute personne a le droit de demander une protection internationale. Les États membres de l’UE ont de plus en plus recours aux expulsions illégales pour empêcher les personnes d’exercer ce droit.

En Belgique aussi, les politiques sont parfois en contradiction avec le droit d’asile. Par exemple, la crise de l’accueil (voir ci-dessous) a entraîné l’impossibilité pour certaines catégories de personnes, dont principalement des hommes célibataires, de demander une protection internationale pendant certaines périodes.

Après avoir gelé les décisions négatives pendant des mois, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a décidé de ne pas accorder le statut de protection subsidiaire aux personnes en demande de protection internationale originaires d’Afghanistan à partir de mars 2022, en violation, entre autres, de lignes directrices du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés8. Plus de la moitié des demandes de protection internationale de ces personnes ont depuis été rejetées. Le retour forcé est illégal et impossible et le retour volontaire est hautement improbable pour la plupart d’entre elles. Par conséquent, elles se retrouvent aujourd’hui en grand nombre dans une situation extrêmement précaire de séjour illégal (voir ci-dessous)9.

Amnesty International demande donc à la Belgique :

  • de condamner sans ambiguïté la pratique des refoulements et des expulsions illégales et de demander à l’UE et aux États membres de l’UE de respecter le droit d’asile ;
  • de garantir le droit à la protection internationale en Belgique pour toute personne qui en a besoin. Les droits humains des personnes qui se voient refuser une protection mais qui ne peuvent être éloignées ou renvoyées en raison de risques graves pour les droits humains doivent être protégés.

La crise de l’accueil en Belgique

Résoudre la crise actuelle de l’accueil et prévenir les problèmes futurs du réseau d’accueil des personnes en demande de protection internationale doit être une priorité absolue pour les prochains gouvernements. Les mesures proposées dans le cadre du nouvel accord migratoire sont insuffisantes. Pour des recommandations détaillées, on pourra se référer à la feuille de route élaborée et signée par un grand nombre d’organisations de la société civile travaillant autour des droits des demandeur·euses de protection10. Cette feuille de route contient des recommandations de mesures pour sortir de la crise de l’accueil.

Amnesty International demande à la Belgique de respecter le droit d’asile et le droit d’accueil qui y est lié, notamment en :

  • prévoyant des hébergements d’urgence dans l’attente de mesures à long terme ;
  • activant un plan de répartition obligatoire pour les autorités locales, après consultation et participation de ces dernières ;
  • prévoyant du personnel supplémentaire pour rendre opérationnelles les places d’accueil disponibles.

PERSONNES EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

Amnesty International reconnaît le droit des États à réglementer et à faire respecter l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire. Toutefois, cette politique doit être compatible avec le droit et les normes internationales en matière de droits humains. En effet, même pour les personnes sans permis de séjour, l’État a l’obligation de respecter, de protéger et de mettre en œuvre leurs droits humains. Si l’ensemble des réfugié·es, demandeur·euses d’asile et migrant·es peuvent être victimes de violations des droits humains, les personnes en situation irrégulière sont plus exposées à ces violations et abus.

Suite à la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan, de nombreux Afghan·es ont rejoint la Belgique. Plus de la moitié de leurs demandes de protection internationale sont actuellement rejetées. Ces personnes se retrouvent dans une situation extrêmement précaire de séjour illégal en raison de l’illégalité du retour forcé et de l’impossibilité du retour volontaire.

Amnesty International demande à la Belgique :

  • d’apporter des améliorations structurelles aux procédures de séjour et de ne pas éviter un débat sur les migrations économiques et sur l’exploitation des migrant·es sur le marché du travail ;
  • d’adopter une politique de régularisation claire, transparente et humaine. Cela implique que la régularisation soit accordée sur la base de critères permanents et précis et que chaque cas soit examiné individuellement. En outre, les États devraient autoriser la régularisation des personnes sans résidence légale, du moins lorsque c’est le seul moyen ou le moyen le plus logique de garantir leurs droits humains, par exemple les victimes de violations des droits humains ou les personnes qui sont placées et maintenues dans une situation irrégulière "créée" par des procédures de séjour complexes ;
  • de fournir aux Afghan·es qui se trouvent actuellement en Belgique sans les documents requis un permis de séjour et d’autres documents afin que leurs droits humains soient protégés et qu’ils et elles aient accès aux services de base.

LE PRINCIPE DE NON-REFOULEMENT

La Belgique ne doit en aucun cas renvoyer des personnes dans des pays où il existe un risque réel qu’elles soient soumises à la torture et à d’autres violations graves des droits humains.

Le refoulement indirect est également exclu : il s’agit du transfert de personnes vers des États qui ne respectent pas le principe de non-refoulement lui-même. Un exemple pourrait être la déportation forcée de personnes iraniennes vers la Turquie.

L’utilisation de moyens indirects pour forcer des personnes à retourner dans des situations où elles risquent d’être victimes de graves violations des droits humains constitue également une violation du principe de non-refoulement (c’est ce qu’on appelle le "refoulement constructif"). Un exemple pourrait être de forcer des personnes dont la protection internationale n’a pas été reconnue mais qui ne peuvent pas être expulsées en raison du risque de violations des droits humains, à accepter un retour "volontaire".

Amnesty International demande à la Belgique :

de respecter strictement le principe de non-refoulement et d’éviter de transférer toute personne vers un pays où elle court un risque réel d’être soumise à de graves violations des droits humains et, en particulier :

  • ne jamais renvoyer de force une personne vers l’Afghanistan, l’Érythrée, Haïti, l’Iran, le Myanmar, le Soudan, la Syrie, l’Ukraine, le Venezuela et la Somalie centrale et méridionale.
  • ne pas procéder à des renvois de force en Libye en tant que pays tiers sûr ou en tant que lieu de débarquement sûr après un sauvetage en mer.
  • ne renvoyer de force aucun membre de la communauté Ahmadiyya au Pakistan.
  • ne renvoyer de force au Sri Lanka aucun·e demandeur·euse d’asile tamoul·e ayant des liens présumés avec les "Tigres de libération de l’Eelam tamoul" (LTTE)

EXTERNALISATION

Amnesty International reconnaît la souveraineté des États et admet que ceux-ci peuvent réglementer l’arrivée et le séjour sur leur territoire. Cependant, la politique migratoire, dont font partie les contrôles aux frontières, doit toujours être compatible avec les traités internationaux relatifs aux droits humains et les autres cadres de protection relatifs aux droits humains. La coopération des dirigeant·es de l’UE avec des pays tiers pour "externaliser" les politiques migratoires a conduit à des refoulements et à d’autres violations des droits humains11.

Par exemple, l’accord UE-Turquie a un impact pernicieux sur les droits humains des réfugié·es12. De même, la coopération avec la Libye piège de nombreuses personnes dans des situations dangereuses et les expose à des violations des droits humains13. Cette politique honteuse ne doit pas servir de modèle pour les futurs accords avec d’autres pays.

Amnesty International demande à la Belgique de :

  • Appeler à suspendre l’accord entre l’UE et la Turquie et appeler les dirigeants de l’UE à renforcer la solidarité et à transférer davantage de personnes en provenance des camps de réfugié·es en Turquie vers d’autres États membres.
  • S’exprimer contre les accords de coopération entre les dirigeant·es de l’UE et les autorités libyennes et demander leur suspension.
  • Dénoncer le protocole d’accord conclu le 17 juillet 2023 entre la Tunisie et l’Union européenne en vue de dissuader les mouvements migratoires en direction de l’Europe alors que s’accumulent les preuves de graves atteintes aux droits humains commises par les autorités tunisiennes à l’encontre de migrants·e·s d’Afrique subsaharienne.

Lorsqu’elles envisagent d’externaliser la politique migratoire, que ce soit par le biais d’accords formels et autonomes, d’arrangements informels ou d’actions dans le cadre d’autres mesures, la Belgique et l’UE devraient s’assurer que :

  • les droits humains des migrant·es, des demandeur·euses d’asile et des réfugié·es soient au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques.
  • aucune coopération en matière de contrôle des frontières ne soit engagée avec des pays où les droits humains sont systématiquement violés. En particulier, la Belgique devrait s’abstenir de toute coopération qui pourrait empêcher les personnes migrantes de quitter un pays où elles n’ont pas accès à une protection efficace et où elles courent un risque réel de violations des droits humains.
  • avant de mettre en œuvre des mesures pertinentes, les États prennent des dispositions pour identifier et traiter les risques pour les droits humains.
  • il existe des mécanismes transparents de suivi qui permettent au public d’examiner les politiques de migration externe, notamment par le biais de rapports publics sur l’incidence en matière de droits humains.
  • la responsabilité de fournir une protection internationale aux personnes dans le besoin ne soit pas altérée, notamment par l’introduction et l’application de dispositions relatives aux "pays sûrs".
  • le financement des contrôles aux frontières s’ajoute à l’aide au développement existante et que le financement de l’aide au développement ne soit pas subordonné à la coopération des pays de transit ou des pays d’origine en matière de gestion des migrations.

DÉTENTION

Comme pour tout autre individu, la jouissance de la liberté personnelle devrait être la référence pour les migrant·es, les réfugié·es et les demandeur·euses d’asile.

Le droit à la liberté ne peut être restreint que dans des circonstances spécifiques et très exceptionnelles. Par conséquent, si l’on a recours à la privation de liberté, celle-ci doit être clairement prévue par la loi, strictement justifiée par un but légitime et être nécessaire, proportionnée et non discriminatoire.

La détention liée à la migration devrait être limitée au strict nécessaire, conformément à ces principes :

  • La détention liée aux migrations ne peut être justifiée par des motifs de souveraineté, le pouvoir d’un État de contrôler ses frontières et/ou son effet dissuasif contre l’entrée ou le séjour irréguliers.
  • La détention administrative des migrant·es, des réfugié·es et des demandeur·euses d’asile pour des raisons de sécurité devrait être évitée. La privation de liberté pour des raisons de sécurité devrait se faire dans le cadre du droit pénal, en appliquant les procédures, les règles de preuve et la charge de la preuve, ainsi que les normes d’un procès équitable.
  • Amnesty International conseille aux États d’établir une interdiction légale de la détention répétée.
  • La détention liée à l’immigration - quelles que soient les circonstances - de certains groupes de personnes doit être interdite, notamment pour les réfugié·es reconnu·es, les enfants, les familles, les femmes enceintes, les personnes handicapées et les survivant·es de la traite des êtres humains.
  • Le recours automatique à la détention liée à la migration doit être limité car il est par définition arbitraire. Les États doivent procéder à une évaluation individuelle de la situation de chaque migrant·e, réfugié·e ou demandeur·euse d’asile, en tenant compte de son histoire et de ses besoins spécifiques.

LE PACTE EUROPÉEN SUR L’ASILE ET LA MIGRATION

L’accord politique provisoire conclu le 20 décembre 2023 sur un ensemble de propositions législatives réformera la politique européenne en matière de migration et d’asile par un ensemble de réglementations régissant la réponse des États à l’arrivée de personnes en Europe. Des travaux doivent se poursuivre au niveau technique jusqu’à février 2024. La conclusion du nouveau pacte migratoire devrait aboutir pendant la présidence belge du Conseil de l’Union européenne.

Amnesty International considère que cet accord entraînera une régression de la législation européenne relative à l’asile dans les décennies à venir. Au lieu de donner la priorité à la solidarité par des réinstallations et un renforcement des mécanismes de protection, les États pourront simplement payer pour renforcer leurs frontières extérieures ou financer des pays hors Union européenne pour qu’ils empêchent les personnes d’atteindre l’Europe. Le Pacte ne prévoit en outre pas de soutien concret aux pays de première entrée dans l’Union européenne de ces personnes, notamment l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. Ce sont toujours les pays de première entrée qui seront responsables de l’accueil et du traitement de la demande d’asile. Cette responsabilité est accentuée dans le nouveau pacte dans le but de lutter contre les déplacements non autorisés vers d’autres États membres.

L’application du Pacte entraînera une augmentation du nombre de personnes dont des familles et des personnes en situation de vulnérabilité, placées en détention de fait aux frontières de l’Union européenne. Les protections pour les personnes cherchant à obtenir l’asile au sein de l’Union européenne seront réduites. De nombreuses personnes transiteront par des procédures d’asile offrant moins de protection, notamment moins de garanties juridiques et des délais très courts. Ces personnes ne pourront dès lors plus bénéficier d’une évaluation juste et complète.

L’accord conclu permet également aux États d’être exemptés d’un large éventail de réglementations européennes en matière d’asile en période de hausse soudaine des arrivées, ainsi que dans des cas « d’instrumentalisation » des migrants·es ou de « force majeure ». Ces critères d’exemption sont peu précis et ouvrent la porte à une totale subjectivité des gouvernements européens. Ces mesures risquent de normaliser les mesures d’urgence disproportionnées aux frontières européennes, ce qui créerait un dangereux précédent pour le droit d’asile en Europe et partout dans le monde.

Au lieu d’investir dans un accueil digne et d’élargir les voies sûres et légales pour permettre aux personnes d’obtenir une protection en Europe sans recourir à des parcours dangereux, cet accord constitue un pas de plus vers l’externalisation du contrôle des frontières et un moyen pour l’Europe de se soustraire à ses responsabilités en matière de protection des personnes réfugiées.

Amnesty International considère que cet accord politique ne peut pas être adopté tel quel et appelle l’Union européenne à prendre des mesures pour assurer une réponse respectueuse des droits humains, durable et dotée de moyens suffisants pour les personnes se présentant aux frontières de l’Union européenne.

Amnesty International demande que le Nouveau pacte migratoire ne soit pas adopté.

Fiche revue en date du 2 février 2024


[1] Missing Migrants Projects rapporte qu’il y a eu au moins 2406 migrants disparus en Méditerranée en 2022. Au 4 juillet 2023, il y en a déjà 1875. Le HCR signale que même si les réfugiés et les migrants sont moins nombreux à s’aventurer dans la traversée que lors du pic de 2015, le voyage est désormais plus dangereux et les périples plus meurtriers.
L’Italie, par exemple, a adopté en février 2023 une série de mesures visant à entraver et à pénaliser les navires qui portent secours aux personnes en fuite. Voir Amnesty International Italie, les mesures envers les organisations caritatives coûteront des vies en mer., 15 février 2023. Un autre exemple de 2020 est l’adoption de nouvelles règles par le gouvernement grec sur le fonctionnement des organisations de la société civile qui défendent les droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Amnesty International s’est inquiétée du fait que ces nouvelles règles menacent le droit à la liberté d’association. Voir Amnesty International, "Greece : regulation of ngos working on migration and asylum threatens civic space", juillet 2020.
Pour de plus amples informations sur les cas individuels autour desquels l’organisation a été active (comme El Hiblu 3, Sarah et Seán et l’affaire Iuventa : https://www.amnesty.be/infos/actualites/proces-sarah-sean .
[2] Voir entre autres :
https://www.amnesty.org/en/wp-content/uploads/sites/8/2021/07/EUR2543072021FRENCH.pdf2021
▪ Amnesty International, 26 août 2021 ;
https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/pologne-belarus-faut-proteger-groupe-afghans-bloques-frontiere-55607
https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/lettonie-migrants-detenus-tortures-contraints-retourner-pays
▪ Amnesty International, Lithuania : forced out or locked up - Refugees and migrants abused and abandoned (Lituanie : expulsés ou enfermés - Réfugiés et migrants maltraités et abandonnés), 2022 ;
▪ Le 30 juin 2022, la Cour de justice de l’UE a confirmé les conclusions du rapport d’Amnesty sur la Lituanie : la détention automatique et le refus d’accorder l’asile aux personnes qui entrent dans le pays de manière irrégulière sont illégaux :
https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/lituanie-cour-justice-rejette-restreignant-droit-asile#:~:text=En%20juillet%202021%2C%20alors%20que,asile%20et%20de%20d%C3%A9tention%20arbitraire.
https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/lituanie-legaliser-renvois-forces-illegaux-donne-vert-torture
[3] 14 décembre 2021, COM/2021/890 final. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52021PC0890
[4] ECRE, " Joint Statement : NGOs call on Member States : Agreeing on the Instrumentalisation Regulation will be the Final Blow to a COMMON European Asylum System (CEAS) in Europe ", 8 septembre 2022 et Amnesty International,
[5] https://www.cire.be/publication/reforme-du-regroupement-familial-nos-recommandations/
[6] Voir, par exemple :
▪ 11.11.11, Amnesty International en Belgique et Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Humanitarian Visas Afghanistan - Briefing Paper, avril 2023 (non publié).
▪ Prise de position du CIRE :
https://www.cire.be/publication/quelle-procedure-et-quels-criteres-appliquer-pour-la-delivrance-de-visas-humanitaires/
▪ Organisations de réfugiés : "Des frontières fermées sans respect des droits humains", DS 7 mars 2017.
[7] Malgré le risque de mauvais traitements assimilables à de la torture en détention, de refoulement vers l’Afghanistan et d’autres violations graves des droits humains, les réfugiés afghans en Iran et au Pakistan se sont heurtés à des obstacles administratifs déraisonnables lorsqu’ils ont cherché à obtenir une protection en Belgique. Plusieurs mois après que les réfugiés souhaitant se rendre en Belgique ont déposé des demandes de visas humanitaires, les autorités belges ont annoncé que les demandes ne seraient prises en compte que si elles étaient à nouveau déposées au Pakistan.
[8] Note d’orientation du HCR sur les besoins de protection internationale des personnes fuyant l’Afghanistan février 2022.
[9] https://vluchtelingenwerk.be/nieuws/waarom-afghanen-blijvend-nood-hebben-aan-bescherming Vluchtelingenwerk et Amnesty International Vlaanderen.
[10] Courrier au Premier ministre pour sortir de la crise d’accueil , 13 septembre 2022. CIRE et de très nombreuses associations de la société civile de Belgique dont Amnesty International. https://www.cire.be/communique-de-presse/la-sortie-de-crise-de-laccueil-des-demandeurs-de-protection/
[11] https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2017/06/a-radical-change-is-needed-to-failing-eu-migration-policy/
[12] Amnesty International, https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2017/03/eu-turkey-deal-a-shameful-stain-on-the-collective-conscience-of-europe/
Amnesty International, https://www.amnesty.be/infos/actualites/ue-turquie-5ans
[13] https://www.amnesty.be/infos/actualites/article/libye-cinq-annees-accord-cooperation-consequences-tragiques

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