Géorgie - Rapport annuel 2023

La liberté d’expression a été attaquée. Des responsables de l’application des lois ont eu recours à une force inutile et excessive pour disperser des manifestations pacifiques. Cette année encore, la justice a été sélective et des poursuites à caractère politique ont été engagées contre des opposant·e·s au gouvernement. La police n’a pas fourni de protection adéquate à un festival des fiertés. Les violences contre les femmes et les filles demeuraient répandues. Des cas de détention arbitraire de civil·e·s ont continué d’être signalés dans les territoires séparatistes.

Contexte

Le parti au pouvoir a continué de consolider son autorité en tentant de restreindre les libertés et en prenant diverses mesures pour étouffer la société civile. Il a notamment proposé un projet de loi s’inspirant de la législation russe sur les « agents de l’étranger ».
Les clivages politiques se sont creusés et les manifestations publiques ont pris de l’ampleur, dans un contexte où la volonté du gouvernement d’adhérer à l’UE était de plus en plus mise en doute au regard des liens croissants du pays avec la Russie et de la propagation du discours anti-occidental. En novembre, soulignant l’adhésion de la population, la Commission européenne a recommandé d’accorder à la Géorgie le statut de candidate à l’UE, à condition, entre autres, que le pays améliore l’état de droit, qu’il résolve ses divisions politiques et qu’il renforce l’indépendance de la justice. Ce statut lui a été accordé en décembre.
L’arrivée de migrant·e·s en provenance de Russie à la suite de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par celle-ci a continué d’alimenter une inflation galopante et de contribuer à l’augmentation du coût de la vie et aux inégalités économiques.

Liberté d’expression

Des attaques de plus en plus importantes ont visé le droit à la liberté d’expression, notamment à la suite de manifestations de grande ampleur qui ont eu lieu en mars et qui ont poussé le gouvernement à retirer son projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère, qui prévoyait d’identifier les organisations et médias indépendants financés par l’étranger comme des « agents d’influence étrangère ».
En avril, le Parlement a invoqué de nouvelles modifications apportées au code de conduite parlementaire à l’usage des médias, qui interdisaient à la presse d’interviewer les député·e·s sans leur consentement, pour suspendre les accréditations de six journalistes, semble-t-il en représailles à des questions critiques qu’ils avaient posées.
Des défenseur·e·s des droits humains et d’autres acteurs et actrices de la société civile ont signalé être la cible de menaces, de campagnes de diffamation et de harcèlement pour avoir critiqué le gouvernement. Ils ont également affirmé craindre pour leur sécurité physique. En juillet, au moins six personnes critiques à l’égard du gouvernement ont déclaré avoir subi des agressions physiques, qui semblaient avoir été coordonnées. De haut·e·s responsables du parti au pouvoir ont publiquement cautionné ces attaques. Le 17 juin, un groupe de sympathisants du gouvernement aurait roué de coups des étudiant·e·s qui manifestaient lors d’une conférence donnée à l’université d’État de Tbilissi par le président du parti au pouvoir. L’un des étudiants a indiqué avoir été menacé avec une arme à feu par un policier alors qu’il se trouvait à l’hôpital. Une enquête à ce sujet était en cours à la fin de l’année.
Au mois d’octobre, plusieurs militant·e·s ayant pris part à une formation proposée par une ONG, le Centre pour les actions et stratégies non violentes appliquées, ont été convoqués pour interrogatoire par les services de sécurité, au prétexte que les personnes qui assuraient la formation étaient en train d’orchestrer le renversement du gouvernement par la violence. L’équipe organisatrice et la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ont rejeté ces allégations, qu’ils considéraient être une tentative non fondée de diffamation de la société civile.

Liberté de réunion

Les autorités ont eu de plus en plus recours à une force inutile et disproportionnée pour disperser des manifestations pacifiques et ont mis en place de nouvelles restrictions à leur égard, notamment après les rassemblements de grande ampleur contre le projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère. À l’inverse, les groupes ayant violemment attaqué des membres de l’opposition et des membres de la communauté LGBTI lors d’événements des fiertés n’ont pour la plupart pas été inquiétés et la police ne les a pas découragés. Le 17 octobre, la présidente a opposé son veto à une modification de la Loi relative aux rassemblements et aux manifestations qui aurait interdit aux manifestant·e·s d’ériger des « structures temporaires » jugées « non essentielles » à l’événement, ce qui aurait restreint indûment la liberté de réunion.
Le 2 mars, dans le cadre des manifestations majoritairement pacifiques contre la loi sur la transparence de l’influence étrangère, la police a dispersé un rassemblement et arrêté 36 personnes pour des infractions administratives, dont deux journalistes qui couvraient l’événement. Les 7 et 8 mars, la police a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau contre des milliers de personnes qui manifestaient devant le Parlement et arrêté 146 personnes pour des motifs d’ordre administratif. Des dizaines d’entre elles ont reçu des amendes allant de 500 à 2 000 laris (190 à 750 dollars des États-Unis) pour « houliganisme simple » ou désobéissance à la police. Un manifestant au moins, dénommé Lazare Grigoriadis, a été placé en détention provisoire pour violence contre la police. Le Parlement a retiré le projet de loi le 10 mars.
Le 2 juin, la police a arrêté sept militants qui réalisaient un sit-in pacifique devant le Parlement en brandissant des banderoles et des feuilles de papier vierges. Ils se sont vu refuser tout contact avec leurs familles ou leurs avocat·e·s, puis ont reçu des amendes allant jusqu’à 2 000 laris (750 dollars des États-Unis) pour « houliganisme » et désobéissance à la police.

Procès inéquitables

Le système judiciaire a continué de subir ce que des ONG locales qualifiaient de crise de légitimité et de confiance, dans un contexte d’inquiétude persistante face à la sélectivité de la justice et à des poursuites motivées par des considérations politiques. Le 5 avril, le Département d’État américain a sanctionné quatre juges géorgiens de haut rang pour corruption, abus de pouvoir et atteinte au système judiciaire.
Le procès de l’ancien président Mikheil Saakachvili, incarcéré pour corruption et abus de pouvoir, entre autres accusations, s’est poursuivi. Le 6 février, un tribunal s’est prononcé contre sa remise en liberté pour raisons humanitaires, malgré la grave détérioration de son état de santé et l’absence signalée de soins médicaux adaptés.
Nika Gvaramia, co-fondateur de la chaîne de télévision Mtavari TV, favorable à l’opposition, a été libéré à la faveur d’une grâce présidentielle le 23 juin. Il avait été condamné à trois ans et six mois de prison sur la base d’accusations infondées d’abus de pouvoir. Une semaine avant sa libération, la Cour suprême avait rejeté son pourvoi.
Le 29 septembre, peu de temps avant que le délai légal de la détention provisoire de Lazare Grigoriadis en lien avec les manifestations de mars arrive à expiration (voir Liberté de réunion), un tribunal a ordonné son maintien en prison à la suite d’accusations remontant à 2021. Des personnalités haut placées du gouvernement l’avaient à plusieurs reprises qualifié de criminel et avaient émis des commentaires désobligeants sur son apparence et son orientation sexuelle présumée à la suite de son arrestation le 29 mars.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

La propagande contre les personnes LGBTI de la part de responsables du gouvernement et de leurs sympathisant·e·s a gagné de l’ampleur et la police n’a pas suffisamment protégé les rassemblements LGBTI face aux manifestant·e·s violents.
Le 8 juillet, environ 2 000 manifestant·e·s anti-LGBTI ont pris d’assaut un festival privé des fiertés à Tbilissi, détruisant et pillant des biens, vandalisant la scène et brûlant des drapeaux arc-en-ciel et des affiches. La police présente sur les lieux n’a rien fait pour empêcher ces violentes perturbations.

Droits des femmes

Les violences contre les femmes, y compris les féminicides et d’autres formes de violences fondées sur le genre, restaient très répandues. Le 15 juin, dans l’affaire Gaidukevich c. Géorgie, la Cour européenne des droits de l’homme a statué que le gouvernement avait violé le droit à la vie et l’interdiction de la discrimination en ne protégeant pas une victime de violence domestique et en ne menant pas d’enquête sur son suicide présumé.
Les violences contre les femmes dans la sphère politique restaient généralisées. Une nouvelle étude des Nations unies a révélé que le gouvernement ne s’attaquait pas au problème malgré son ampleur et sa gravité. Les femmes politiques de l’opposition ont continué d’être la cible de commentaires sexistes et misogynes et d’une discrimination fondée sur le genre, en particulier de la part de hauts responsables du parti au pouvoir.

Droit à un environnement sain

Le gouvernement a publié sa stratégie à long terme de développement à faible émission, dans laquelle le pays s’engageait à atteindre la « neutralité climatique » d’ici 2050.

Abkhazie et Ossétie du Sud (région de Tskhinvali)

La liberté de circulation entre le territoire contrôlé par les autorités de Tbilissi et les territoires séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud était toujours restreinte. Cette année encore, des informations ont fait état de mauvais traitements infligés à des civil·e·s, de détentions arbitraires et d’homicides par les autorités de facto des territoires séparatistes. Le 6 novembre, des soldats russes ont abattu un homme et en ont détenu un autre dans une église située le long de la ligne de démarcation administrative de l’Ossétie du Sud.


Torture et autres mauvais traitements

La santé d’Irakli Bebua, Géorgien de souche vivant à Gali, en Abkhazie, qui purgeait une peine de neuf ans de prison pour avoir brûlé le drapeau abkhaze, se serait fortement dégradée en raison de maladies chroniques et de l’absence de soins médicaux adaptés en détention. Au moins sept personnes étaient toujours détenues arbitrairement dans des conditions déplorables par les autorités de facto des territoires séparatistes.

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